vendredi 25 mai 2012

Swept Away (Part Two)

Continuons notre visite de cette formidable expo par l'oeuvre de KIM ABELES

"Give us this day (20 days of smog)"




Abeles se sert de pochoirs qu'elle dépose sur une nappe, des assiettes, des récipients, et elle laisse le tout sur le toit de son studio. Le résultat, esthétique et délicat, n'est autre que le révélateur de l'air vicié et pollué, le smog (smoke + fog) que nous respirons, dans lequel nous évoluons sans en avoir vraiment conscience. Comme Orion, Abeles utilise la pollution comme pigment, et ses scènes de vie quotidienne n'en ont que plus d'impact...


ANDY GOLDSWORTHY

“Bones/Sand/Ball/Tide”


Détail


Une enfilade de 13 photos. Le sujet est une grande balle de sable au bord de l'eau. Le ressac l'attaque et la délite. Sauf que dans la balle, Golsworthy a placé des os et un crâne de grand animal qui apparaissent à mesure que le sable se défait.
Les photos sont très belles, et on ne peut s'empêcher de penser au grand sablier de la Vie, qui ne laisse derrière lui que des os, qui finiront sable/poussière eux-mêmes...


ZHANG HUAN

Ash Army N°1


Au départ, je n'ai pas flashé sur cette sculture, car j'ai tendance à préférer le travail fin et délicat. Sauf que ce buste de soldat chinois est fait de cendres, et pas n'importe lesquelles: les cendres d'encens brûlé dans des temples bouddhistes. Et là, soudain, l'oeuvre prend une autre dimension, un paradoxe qui la rend plus forte encore...
Dans le fond, on peut voir le travail de CATHERINE BERTOLA, qui a floqué son papier peint de poussières et autres débris aspirés dans le musée-même!
L'oeuvre s'appelle "Unfurling Splendor"



GLITHERO

"Burn, Burn, Burn"


Sous forme de vidéo, une oeuvre hypnotisante. Le Studio Glithero a créé une peinture inflammable. Comme des dominos qui s'écroulent, ou une mèche de dynamite qui progresse immuablement et régulièrement, le chemin de feu serpente et se dessine, en droites puis en arabesques, hommage à la "Ceiling Dance" de Fred Astaire.




CAI GUO-QIANG

Toujours au rayon de la vidéo, et pour finir, j'ai découvert avec ravissement le travail mégalo-poétique du chinois Cai Guo-Qiang, genre de feu d'artifice en plein jour. Les fusées explosent dans le ciel sous forme de petits nuages noirs ou colorés, et franchement, c'est beau.
Les nuages noirs font penser à une nuée de corbeaux, les colorés forment un arc en ciel de fumée, et on les regarde partir au loin, changeant de forme, en s'étirant, se fondant.
L'installation est pour le moins imposante, et on se demande quels paramètres de vent entrent en ligne de compte pour aboutir à ce résultat...






Voilà, la visite de l'expo s'arrête ici, mais pas celle du musée, si vous êtes partants, car cet endroit regorge de merveilles dont j'ai bien envie de vous parler... :)

Lien officiel de Swept Away

jeudi 24 mai 2012

Swept Away.

J'ai cette fabuleuse chance, par mon métier, de pouvoir aller là où se trouvent les belles expos, entre autres.
Il y a quelques années, j'ai ainsi failli crever de bonheur devant l'expo Tim Burton au MOMA de New York.
Parce que souvent, c'est à New York, que ça se passe, les grossses tueries.

La semaine dernière, je retrouvais donc mon hôtel de Times Square bien-aimé.
Après avoir boudé sur le programme du-dit MOMA, je farfouille et tombe sur un intitulé alléchant: "Swept Away. Dust, Ashes and Dirt in contemporary Art and Design". Au musée du même nom. Ca risque de parler de Memento Mori, tout ça, ça sent bon!

C'est à une quinzaine de blocks, il fait beau (ils ont un printemps, eux), je suis avec un collègue-pote art-friendly: zou.

Et là, en pleine glande, violente claque de beau. Les yeux qui collent ouverts.

Une merveilleuse expo foisonnante et agréablement mise en scène. Toutes les oeuvres prennent leur place, leur valeur, elles sont bien éclairées, et dehors, par les fenêtres, c'est sublime.
Des oeuvres, il y en a plein: 34. La surface d'un seul étage, (le 4ème) mais qui se visite longtemps.
Tous les supports sont présentés: des peintures, des sculptures, des vidéos, de la photo, des collages, you name it.

Et presque tout déchire. Que des artistes que je ne connais pas et dont je me dépêche de noter les noms pour faire mes recherches et ce billet, afin de ne pas oublier que j'ai une banque de données sauvegardée quelque part.
Ce que j'ai vu là va me nourrir un moment, et à défaut de voir cette expo, je vais essayer de vous la raconter et montrer un peu.
Vous intéresser peut-être à certains artistes, vous parler de ceux que vous aimez déjà, si ça se trouve.
Evidemment, je ne serai pas exhaustive, je vous montre juste mes favoris.

D'abord, les bouteilles de JIM DINGILIAN.



Il y en a 9. Le gars récupère des bouteilles d'alcool en verre (soit-disant on les lui donne LOL), il crame l'intérieur avec une bougie, et il se sert ensuite d'aiguilles et de minuscules outils coudés pour gratter le dépôt de suie, dans la bouteille, par le goulot. Les scènes représentées sont anti glam, urbaines: des parkings, des bagnoles, des lignes à haute tension... Mais c'est dingue de précision, il y a des ombres, et l'effet 3D du cylindre permet plein de lectures différentes, parce qu'il y a aussi des arbres.
Virtuose et génial.




PAUL HAZELTON



Ce crâne est fait de poussière. (ça se passe comment, au niveau du Memento Mori?^^)
Littéralement. Hazelton récupère la poussière des plumeaux de ménage, les moutons dans tous les coins qu'il croise, et avec de l'eau, il arrive à donner des formes à cette non-matière. Là, c'est un crâne, relativement détaillé, de beaux volumes. Infiniment fragile, éphémère. Il se délite un peu déjà, comme un nuage. A priori, y a pas de fixant, dessus, faut éviter d'éternuer devant!


MASKULL LASSERRE



Déjà, s'appeler Maskull, ça mérite la considération.
Mais le gars a bien trouvé le moyen de faire passer l'envie de rire. Il sculpte des corbeaux dans des pièces de bois, taille réelle, et il brûle ce bois. Ca donne des corbeaux en charbon, et c'est une des plus belles choses que l'on puisse imaginer. Avant d'arriver à cette oeuvre là, sur le parcours, on avait croisé un de ces corbeaux, par terre, regardant par l'une des nombreuses fenêtres.



Avec son bordel, ses petits morceaux qui tombent, qui salissent. Poussière noire.
Dans la grande installation, c'est démultiplié et bluffant. Chaque oiseau est dans une position réaliste. L'un d'eux saisit la "nuque" d'un autre comme le font effectivement les rapaces. D'autres encore regardent Columbus Circle, recroquevillés devant la fenêtre.



Mais surtout, surtout, la couleur, ce noir infiniment brillant, presque irisé, et les fibres du bois devenues fines et friables, fragiles comme des plumes. L'idée est géniale, le résultat coupe le souffle. Je les ai regardés longtemps.






ANTONIO RIELLO



Deux étagères de grands verres, tous différents, chacun fait sur mesure pour ce qu'il contient dans son pied, à savoir les cendres de livres célèbres (choisis par l'artiste selon ses goûts personnels).
C'est beau, et c'est absurde: ces livres vivront toujours physiquement sous forme de cendres, dans ces pieds de verre, ils sont devenus indestructibles bien que déjà détruits et illisibles. C'est con, j'adore l'idée, bien que le symbole du livre brûlé me heurte toujours un peu. Ce truc fait réfléchir 2 secondes, c'est bien. En plus, les verres sont beaux.


PHOBE CUMMINGS



Un effet visuel saisissant que cette oeuvre faite d'argile crue et saupoudrée de cendres. Le travail de l'argile est pensé comme éphémère, car rien n'est collé, à peine fixé au séchage. L'oeuvre est d'autant plus fragile que Cummings positionne chaque pétale, chaque feuille, aux limites de son équilibre sur la structure. De loin, on croirait un bouquet fait de cendres. Un genre de vestige de Pompéï impossible. Buggant.

Maintenant, un "gros morceau": ALEXANDRE ORION. Beaucoup à dire sur ce génie là.



Il est brésilien, et vit dans une ville sale.
Comme les autorités s'en cognent, de la saleté, Orion est parti dans un tunnel particulièrement crado, et avec des petits chiffons et de l'eau, il a commencé à effacer la crasse selon un motif de tête de mort.
Il a taggué, en quelques sortes, en propre/blanc sur du sale/gris, un ossuaire entier.
La police est bien venue s'intéresser à ce jeune mec, mais que lui reprocher, exactement?
Orion a continué, il a recouvert tout le long du tunnel.
Au final, les autorités ont décidé de passer l'intérieur du tunnel au Kärcher, officiellement pour nettoyer, officieusement parce que le message d'Orion en disait assez long.

Mais le gars est tenace, et il n'avait pas fini de parler, alors il a repris tous ses petits chiffons usagés, tout pourris, et il les a essorés dans des bocaux.
Il a récupéré ce liquide chargé de pollution, et l'a déshydraté pour en faire de la poudre, donc du pigment.
Il a bien allongé ça comme il faut, et avec cette drôle de peinture, il a réalisé des tableaux qui laissent muets.

A cette expo, c'était donc un triptyque façon machine à sous géante, qui était exposé. Et en détaillant ce triptyque, on se rend compte que non seulement le gars est habité, mais qu'en plus, techniquement, c'est une brutasse. J'en suis dingue.



Tout mon laïus est un résumé de ce que l'on voit dans ces 2 documents, qui sont projetés à l'expo.





Je vous raconte la suite dans un prochain billet, celui-ci étant déjà long comme un jour sans pain. Mais il reste du lourd! :)